Why do you stand at the door? est le résultat d’une recherche menée en 2021 et 2022 par l’artiste ukrainien Nikolay Karabinovych (°1988, Odesa*) au sein du Musée Juif de Belgique. Dans le « Project Space », vidéo, son, textes et installation de cet artiste multidisciplinaire sont mis en dialogue avec des publications des années 1920-1930 préservées dans la bibliothèque yiddish du musée, ainsi qu’avec des objets issus du patrimoine juif.

Le titre de l’exposition Why do you stand at the door? (Pourquoi te tiens-tu devant la porte ?) est extrait de la chanson du folklore yiddish ‘Lomir Zikh Iberbetn’ (Réconcilions-nous). Les paroles sont un appel à l’entente amoureuse, autant qu’une référence à la crainte du départ de l’autre. Le vers est utilisé ici comme une métaphore pour aborder les migrations des communautés juives d’Europe de l’Est, un nomadisme forcé qui se lit également dans les livres en yiddish conservés au Musée Juif de Belgique. Ces ouvrages constituent un point de départ pour l’exploration poétique d’une mémoire collective oubliée. L’attention se porte en particulier sur les témoignages des femmes, des autrices yiddish de l’entre-deux-guerres dont les livres mettent en lumière cette histoire de migrations mise de côté par les récits et mythes nationaux. 

À travers cette proposition menée en partenariat avec la commissaire d’exposition Patricia Couvet (°1994, Paris), Nikolay Karabinovych cherche à faire dialoguer objets et documents d’archives avec des sources non référencées par les institutions, en vue de valoriser ce qui n’est pas perceptible et d’en exhumer des narrations invisibilisées. Sa démarche permet la réécriture d’une histoire collective, au moment où l’un des fondements de cette histoire, le yiddish, langue diasporique par excellence, semble en voie de disparaître. Elle offre aussi un cadre pour comprendre les expériences personnelles des migrations forcées d’hier et d’aujourd’hui. Elle nous rappelle que l’artiste se veut, à chaque époque,  témoin de son temps : source critique de l’historiographie, il rend visible les fêlures d’une histoire dont on ne peut ignorer qu’elle se déroule tous les jours à Kyiv, Odesa, Bucha, Kharkiv ou encore Mariupol. 

* La plupart des noms des villes ukrainiennes ont été historiquement traduites à partir du russe vers d’autres langues. Dans ce texte et dans l’exposition, le parti pris est de garder le nom des villes en ukrainien dans une approche décoloniale. 

© Isabelle Arthuis